Les cabinets ministériels prendront peu de vacances cet été : ils préparent activement les projets de loi de finances ( PLF et PLFSS 2018). Le programme présidentiel d’une hausse de la CSG, couplée à une baisse des cotisations maladie, sera appliqué dès 2018. Les ordinateurs de Bercy tournent : quelles recettes sont attendues, qui seront les gagnants et les perdants ? Ces questions font l’objet de toutes les simulations. Si l’objectif économique est annoncé : favoriser l’emploi par une baisse des charges, les conséquences en termes de contrat social et modèle de protection sociale n’ont pas été encore débattues. Or cette nouvelle hausse de CSG nous éloignera encore du consensus de 1945 fondateur de la sécurité sociale.
La CSG a toutes les caractéristiques d’un impôt. Elle rapporte 90 milliards par an soit plus que l’impôt sur le revenu. La juridiction européenne la qualifie cependant de cotisation sociale. Son statut est hybride : c’est un impôt affecté à sécurité sociale (70 milliards pour la maladie, 10 pour la famille et 10 pour la vieillesse).
Avec d’autres impôts, elle assure plus de la moitié des dépenses de l’assurance maladie. Notre couverture sociale maladie est donc plus proche du système beveridgien britannique ( National Heath Service) que notre modèle bismarkien initial que nous partagions avec l’Allemagne. La tendance est donc à l’étatisation de notre système de santé et posera, à terme, la question celui de la fixation des honoraires médicaux. Si la qualification institutionnelle de la Sécu peut sembler éloignée des préoccupations des français, dès lors qu’une réforme suscitera des oppositions, on ne peut éluder un débat sur les principes de la solidarité nationale.
Le choix du conseil national de la résistance était que les bien-portants finançaient, en proportion de leurs salaires, les soins des malades. C’est un modèle universel, chacun a intérêt à y adhérer car la maladie peut toucher tout le monde. Le vieillissement de la population conduit naturellement à un transfert accru des jeunes générations vers les ainés : l’adhésion de tous n’est possible que si la pérennité du système est assurée. La réforme de la CSG envisagée aujourd’hui vise explicitement un transfert d’une partie des retraités
vers les actifs.
Pour les salariés, la hausse de 1,7 % du taux de CSG devrait être compensée par une baisse des cotisations maladie ( 0,75 % pour le salarié et 12,9 % pour l’employeur) et chômage . Une compensation pour les salariés suppose qu’une partie de la baisse des cotisations employeurs soit rétrocédée à l’employé. Est-ce possible si l’objectif est de baisser le cout salarial ?
Pour les retraités, la hausse ne devrait concerner que la seule moitié imposable, actuellement soumise à la CSG . Il existe en en effet trois taux de CSG suivant le revenu imposable ( 0, 3,8 % et 6,6 %). Du fait de la déductibilité d’une partie de la CSG, un retraité peut être exempté en 2015, payer une CSG en 2016, puis de nouveau être exempté en 2017, etc…Une subtilité fiscale donnant chaque année des milliers de courriers de réclamations.
Si l’effort de CSG est concentré sur la moitié des retraités, soit 8 millions de personnes, un effort de pédagogie sur sa destination est indispensable. Par exemple, dire que l’assurance maladie finance 8,8 milliards pour les soins en maison de retraité (EHPAD). La réforme serait plus facilement admise si le gouvernement reprenait le dossier du financement de la dépendance, abandonné lors de la crise de 2008, en proposant des mesures efficaces pour soutenir financièrement les familles des personnes modestes qui passent plusieurs années en maison de retraite : un à deux milliards y suffiraient.
Notre protection sociale a évolué depuis 1945. Deux des trois risques envisagés à l’époque se sont amenuisés : la pauvreté liée à la vieillesse et celle des familles nombreuses. D’autres risques sont apparus : le chômage, la pauvreté des familles monoparentales et la dépendance du grand âge.
La révolution électorale silencieuse de ce printemps peut être propice à un débat national sur les principes sur lesquels asseoir notre future solidarité nationale. Ce débat nécessité une clarification des données. Or, de réformes en ajustements paramétriques, l’administration a rendu illisible le projet de loi de finances de la sécurité sociale. Les transferts de déficit d’une branche à l’autre sont masqués par des tuyauteries financières complexes de type FSV ou CSA. Les inspections des finances et des affaires sociales avaient été chargées en 2016 d’un rapport sur la crédibilité du PLFSS 2017 : le rapport fut enterré.
Le citoyen a le droit d’être éclairé des choix et des comptes publics : c’est une condition nécessaire au débat démocratique. C’est un défi pour mettre la France « en marche » : le taux de CSG ne peut pas rester une seule affaire de techniciens.